J.O. 190 du 17 août 2004
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Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi relative à l'assurance maladie
NOR : CSCL0407573X
Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi relative à l'assurance maladie, adoptée le 30 juillet 2004.
Les requérants articulent à l'encontre des articles 3, 7, 8, 20, 23, 39, 41, 53, 55, 57 et 72 de la loi différents griefs qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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I. - Sur l'article 3
A. - L'article 3 de la loi déférée, modifiant le code de la sécurité sociale, institue un dossier médical personnel constitué des données recueillies ou produites à l'occasion des activités de prévention, de diagnostic ou de soins, afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins. Ce dossier sera créé auprès d'un hébergeur de données à caractère personnel agréé. Les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins y seront reportés. La loi prévoit que le niveau de participation des assurés aux tarifs des actes et prestations pris en charge par l'assurance maladie est différencié selon que le patient autorise ou non le professionnel de santé auquel il s'adresse à consulter son dossier médical et à le compléter.
Les députés auteurs du recours soutiennent que les dispositions adoptées par le législateur méconnaîtraient le droit à la vie privée résultant de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ils invoquent, en outre, les termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et estiment que le législateur serait demeuré en deçà de sa compétence.
B. - Ces différentes critiques ne sont pas fondées.
1. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen implique certes le respect de la vie privée (décision no 99-416 DC du 23 juillet 1999 ; décision no 99-422 DC du 21 décembre 1999 ; décision no 2004-499 DC du 29 juillet 2004). Mais il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques et de concilier, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, le respect de la vie privée et d'autres exigences constitutionnelles, au nombre desquelles figurent le droit à la santé garanti par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'équilibre financier de la sécurité sociale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle (décision no 97-393 DC du 18 décembre 1997 ; décision no 2002-463 DC du 12 décembre 2002).
Au cas présent, la création, par l'article 3 de la loi déférée, du dossier médical personnel répond, d'abord et avant tout, à un objectif de santé publique : il s'agit de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins, de façon à éviter les examens médicaux inutiles ou redondants (notamment en matière d'imagerie médicale ou analyses biologiques), ainsi que les interactions médicamenteuses mettant en danger la santé du patient (un grand nombre d'accidents médicaux en France sont d'origine iatrogène). La création, conformément aux préconisations du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, du dossier médical personnel retraçant le plus complètement possible le parcours médical du patient apparaît ainsi comme un facteur déterminant de l'amélioration de l'exercice médical et de la qualité des soins.
Le dispositif mis en place poursuit également un objectif de régulation médicalisée de la dépense à la charge des régimes obligatoires d'assurance maladie, dans la ligne de l'exigence constitutionnelle tenant à l'équilibre financier de la sécurité sociale.
En mettant en place, pour ces motifs d'intérêt général, le dispositif du dossier médical personnel, le législateur a veillé à instituer les garanties nécessaires à la sauvegarde du respect de la vie privée.
Par application des articles L. 1110-4, L. 1111-7 et L. 1111-8 du code de la santé publique auxquels renvoie la loi déférée, l'ensemble des données contenues dans le dossier seront couvertes par le secret médical et professionnel, sous les sanctions prévues par l'article 226-13 du code pénal. En particulier, selon l'article L. 1110-4, quiconque aura obtenu ou tenté d'obtenir la communication des informations portées sur le dossiers'exposera à des sanctions pénales ; les mêmes sanctions seront d'ailleurs encourues par quiconque aura modifié ou tenté de modifier ces informations. La confidentialité et l'exactitude des informations contenues dans le dossier médical sont ainsigaranties.
Les exigences de confidentialité requises par l'article L. 1110-4 du code de la santé publique lors des échanges d'informations entre professionnels de santé et les conditions d'agrément des hébergeurs de données de santé définies par l'article L. 1111-8 garantiront la sécurité des traitements et des échanges mis en oeuvre pour l'utilisation du dossier médical. On peut noter que l'accès au dossier sera subordonné à l'utilisation de la carte de professionnel de santé (ou de certificats logiciels offrant des garanties équivalentes), émise et diffusée par le GIP-CPS, qui met en oeuvre des dispositifs complexes de sécurité (chiffrement des données, identification et authentification du professionnel, signature électronique avancée). En outre, les nouvelles fonctionnalités de la carte Vitale, qui incorporera notamment la photo de son titulaire, contribueront à accroître la sécurité globale du dispositif. On peut indiquer, à ce propos, que le déploiement du dispositif sur l'ensemble du territoire interviendra au terme d'une phase pilote qui aura notamment pour objet de tester la fiabilité et la robustesse des systèmes mis en oeuvre et de les valider, après évaluation scientifique, sur la base de référentiels techniques établis à l'échelon national.
Afin de garantir le respect de la vie privée, la loi a sévèrement encadré l'accès aux informations contenues dans le dossier médical, sous peine de sanctions pénales. Ainsi les assureurs ou les médecins du travail ne pourront avoir accès à ces informations, fût-ce avec le consentement du patient. Le décret en Conseil d'Etat auquel renvoie l'article 3, qui sera pris après avis de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) et des conseils nationaux de l'ordre des professions de santé, déterminera des règles de contenu et de structuration du dossier médical personnel et des règles d'accès au dossier, de telle sorte que l'accès des différentes catégories de professionnels de santé aux données du dossier soit limité, selon la nature des informations enregistrées, aux stricts besoins de la prise en charge thérapeutique du patient. On peut ajouter que l'article 4 de la loi déférée interdit toute commercialisation des données de santé directement ou indirectement nominatives, même avec l'accord de la personne concernée.
Il faut aussi souligner que le patient pourra toujours s'opposer à l'accès de tel ou tel professionnel de santé à son dossier, de même qu'à l'inscription sur ce dossier de données le concernant. Il est vrai que, dans ce cas, il devra acquitter un ticket modérateur majoré, mais il ne se verra pas opposer un refus de remboursement pour ce motif. Cette majoration de ticket modérateur sera d'un niveau limité et ne sera appliquée que sur les actes et prestations pour lesquels le patient aura refusé l'accès au dossier. Ce mécanisme constitue une incitation à l'utilisation du dossier médical personnel et non une contrainte telle qu'elle serait susceptible de priver le patient de la liberté de refuser son consentement pour l'accès au dossier.
On doit, enfin, indiquer que la loi déférée n'a pas entendu déroger aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 modifiée et que les dispositions adoptées par le législateur ont pris en compte les observations que la CNIL avait formulées sur le projet de loi.
Dans ces conditions, au vu des garanties précises instituées par le législateur et compte tenu de l'intérêt général poursuivi, les dispositions critiquées par le recours ne peuvent être regardées comme portant atteinte au respect de la vie privée résultant de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
2. Ainsi qu'il vient d'être exposé, le législateur a, lui-même, déterminé les garanties nécessaires à la sauvegarde de la vie privée en encadrant la mise en oeuvre du dispositif du dossier médical personnel. Il a, ce faisant, exercé la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution et il pouvait, sans incompétence négative, renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer la structuration des informations figurant au dossier médical personnel et les conditions précises d'accès aux différentes catégories d'informations qui y figureront.
On doit observer que ce décret en Conseil d'Etat sera pris après l'avis de la CNIL et celui des conseils nationaux de l'ordre des professions de santé et du Conseil supérieur des professions paramédicales.
La critique tirée de l'article 34 de la Constitution ne pourra, par suite, être retenue.
II. - Sur les articles 7 et 8
A. - Les articles 7 et 8 de la loi déférée prévoient le principe de la désignation, par les patients, d'un médecin traitant. En l'absence d'une telle désignation à l'organisme d'assurance maladie, la loi permet la majoration du ticket modérateur applicable aux actes remboursés. De même, la loi permet l'application d'un dépassement tarifaire limité en cas de consultation d'un médecin spécialiste sans prescription du médecin traitant.
Selon les auteurs du recours, ces dispositions méconnaîtraient le principe fondamental du droit de la sécurité sociale que constitue le libre choix par le malade de son médecin. Elles seraient contraires au principe d'égalité et porteraient atteinte aux exigences constitutionnelles résultant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Ils soutiennent, en outre, que les dispositions adoptées par le législateur seraient entachées d'incompétence négative.
B. - Ces différents griefs ne pourront être retenus par le Conseil constitutionnel.
A titre liminaire, il faut préciser que le dispositif du médecin traitant entend permettre une meilleure organisation du système de soins et améliorer la qualité de la prise en charge des patients. De ce point de vue, le rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a montré les défaillances de l'organisation actuelle et préconisé des mesures favorisant une meilleure coordination des soins. L'institution du médecin traitant répond à cet objectif. On peut indiquer qu'il existe déjà sous des formes diverses dans de nombreux pays, tels le Royaume-Uni ou l'Allemagne, et que de nombreuses études ont souligné son impact favorable.
La mise en place du médecin traitant entend également permettre une meilleure utilisation des ressources médicales disponibles, afin de garantir le meilleur niveau d'accès aux soins possible compte tenu de l'évolution de la démographie médicale. L'amélioration de la qualité de la prise en charge devrait aussi permettre de réaliser des économies pour l'assurance maladie.
L'institution du médecin traitant peut ainsi se recommander à la fois des exigences constitutionnelles relatives au droit à la santé et de celles tenant à l'équilibre financier de la sécurité sociale.
1. S'agissant des griefs articulés par la saisine, on doit relever, en premier lieu, que celui tiré du principe de libre choix du médecin manque en fait, sans qu'il soit même besoin de se prononcer sur le caractère législatif ou constitutionnel d'un tel principe (décision no 89-269 DC du 22 janvier 1990).
En effet, la loi permet à tous les assurés sociaux de choisir, sans difficultés, un médecin traitant, qui pourra être, au choix de l'assuré, un médecin exerçant à titre libéral ou un praticien hospitalier, un médecin généraliste ou un spécialiste, ou encore un médecin salarié d'un centre de santé ou d'un établissement médico-social. Comme l'ont souligné les débats parlementaires, ce choix sera ainsi très ouvert. En outre, les assurés sociaux pourront changer de médecin traitant dans des conditions très souples. Il faut aussi observer que le dispositif n'interdit pas de ne pas recourir au médecin traitant, ou en cas de désignation d'un médecin traitant, de ne pas recourir au système de soins sur prescription du médecin traitant. Dans de tels cas, la loi prévoit simplement une majoration de ticket modérateur ou une possibilité de dépassement tarifaire ; mais ces mesures, du fait de leur caractère limité, constituent des mécanismes incitatifs et ne peuvent être regardées comme une contrainte telle qu'elle serait susceptible de priver le patient de la liberté de refuser le dispositif du médecin traitant. En aucun cas, les dispositions législatives critiquées n'ont pour effet de contraindre les patients à renoncer au libre choix de leur médecin.
2. S'agissant du principe d'égalité, invoqué conjointement avec le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, il sera fait observer, d'une part, que la majoration de ticket modérateur ou le dépassement de tarifs seront en tout état de cause limités et, d'autre part, que l'assuré ne supportera ce ticket modérateur ou ce dépassement qu'en conséquence du choix qu'il aura fait de ne pas suivre les règles collectives de bon usage du système de soins. Le législateur pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité ni porter atteinte aux exigences constitutionnelles relatives à la santé, décider d'instituer de telles incitations.
3. En ce qui concerne l'incompétence négative, il faut rappeler que si le principe d'une majoration du ticket modérateur ou du dépassement tarifaire relève de la compétence du législateur en vertu de l'article 34 de la Constitution, il n'en va pas de même s'agissant des modalités ainsi que du montant du ticket modérateur ou du dépassement, qui ressortissent à la compétence du pouvoir réglementaire. On ne saurait, par suite, soutenir que les dispositions adoptées aux articles 7 et 8 de la loi déférée seraient entachées d'incompétence négative.
4. On peut, enfin, indiquer, s'agissant de l'information des assurés sociaux, que l'article 18 de la loi déférée prévoit que les caisses d'assurance maladie devront informer les assurés, notamment sur la participation des professionnels de santé à la coordination des soins et sur les tarifs d'honoraires habituellement demandés et leur apporter toutes informations utiles quant à leur orientation dans le système de soins. Les caisses informeront également les médecins susceptibles d'entrer dans le nouveau dispositif afin qu'ils le proposent à leurs patients et leur transmettent les informations nécessaires.
III. - Sur l'article 20
A. - L'article 20 de la loi déférée prévoit qu'une participation par acte ou par consultation médicale devra être acquittée par les assurés sociaux, dans la limite de plafonds annuel et journalier. Le montant de cette participation sera fixé, dans des conditions et sous les limites fixées par décret en Conseil d'Etat, par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.
Les parlementaires requérants critiquent ces dispositions en invoquant le principe d'égalité, les termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 34 de la Constitution.
B. - De telles critiques ne sont pas fondées.
Il faut rappeler, à titre liminaire, que la participation instituée par l'article 20 n'est pas un ticket modérateur d'ordre public : les organismes complémentaires sont simplement incités à ne pas prendre en charge cette participation et les assurés demeurent libres de décider de couvrir ces dépenses s'ils le souhaitent.
1. En ce qui concerne le principe d'égalité, on doit d'abord rappeler que le principe constitutionnel d'égalité, s'il ne s'oppose pas à ce que le législateur traite différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes, n'implique nullement que le législateur ne puisse traiter de façon identique des personnes dont on pourrait soutenir qu'elles sont dans une situation différente (décision no 2003-489 DC du 29 décembre 2003). Ainsi, on ne saurait reprocher par principe au législateur, au nom du principe constitutionnel d'égalité, d'avoir décidé une mesure générale, applicable de façon uniforme à tous les assurés sociaux, dont l'objectif est de concourir à la responsabilisation de l'ensemble des assurés sociaux et à l'équilibre financier de la sécurité sociale. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a, en effet, souligné que la diffusion des couvertures complémentaires rendait le taux d'effort final des Français très bas, de l'ordre de 1 % des dépenses, et que l'aisance dans l'accès aux soins ne dresse aucun obstacle au développement de comportements négligents ou laxistes, en termes de consultations et de prescriptions.
Au demeurant, il faut observer qu'au cas présent le législateur a pris en considération des situations particulières, en décidant d'exonérer de la participation forfaitaire les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, les ayants droit mineurs des assurés sociaux et les femmes enceintes bénéficiaires de l'assurance maternité. La situation particulière de ces différentes catégories permet d'admettre de telles exemptions au regard du principe d'égalité.
2. En renvoyant à une décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie le soin de fixer le montant de la participation, dans les conditions et sous les limites fixées par décret en Conseil d'Etat, le législateur n'est pas demeuré en deçà de sa compétence.
De manière générale, la fixation d'un tel montant ne relève pas des principes fondamentaux de la sécurité sociale rendant nécessaire l'intervention du législateur. Ce dernier pouvait, par suite, prévoir que les limites imparties à la fixation de ce montant seront déterminées par un décret en Conseil d'Etat et habiliter l'Union nationale des caisses d'assurance maladie à fixer, dans ces limites, le montant de la participation, et sous réserve du droit d'opposition du ministre de la santé pour des raisons de santé publique.
3. En raison des exonérations décidées par le législateur au bénéfice de certaines catégories d'assurés sociaux, des mécanismes de plafonnement qu'il a institués et du faible montant de la participation en cause, les dispositions de l'article 20 de la loi déférée ne portent pas atteinte au droit à la santé garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. A cet égard, et en tout état de cause, il appartiendra au pouvoir réglementaire, et subsidiairement à l'Union nationale des caisses de sécurité sociale, de fixer le montant de la participation de telle sorte que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 (décision no 2002-463 DC du 12 décembre 2002).
IV. - Sur l'article 23
A. - L'article 23 de la loi déférée institue un mécanisme de sanction administrative destiné à réprimer l'inobservation des règles du code de la sécurité sociale ayant abouti à une demande de remboursement ou de prise en charge ou à un remboursement ou à une prise en charge indus. Ce mécanisme est susceptible d'être appliqué aux professionnels de santé, aux établissements de santé, aux employeurs ou aux assurés sociaux.
Les saisissants soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le principe constitutionnel des droits de la défense, les termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et ceux de l'article 34 de la Constitution.
B. - Une telle argumentation ne pourra qu'être écartée.
1. Le Gouvernement considère qu'on ne saurait reprocher au législateur d'être demeuré en deçà de sa compétence en adoptant l'article 23 de la loi déférée.
En règle générale, on ne peut considérer que, par nature, l'établissement d'un régime de sanction administrative relèverait nécessairement du domaine de la loi. Le Conseil d'Etat a ainsi jugé que, lorsque le pouvoir réglementaire est compétent pour fixer des règles, il est également compétent pour prévoir des sanctions administratives qui, par leur objet et leur nature, sont en rapport avec cette réglementation (CE Ass. 7 juillet 2004, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales c/M. Benkerrou, no 255136). D'ailleurs, même en matière pénale, il peut y avoir place pour une intervention réglementaire (décision no 87-151 L du 23 septembre 1987).
A supposer même que, au cas présent, l'institution du dispositif, s'agissant d'une sanction à caractère pécuniaire en matière de sécurité sociale, nécessiterait l'intervention du législateur, ce dernier pouvait en tout état de cause se borner à en fixer les principales caractéristiques et renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les autres règles applicables. En particulier, il pouvait confier à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer le barème des pénalités en deçà d'un plafond qu'il avait lui-même fixé. On peut, d'ailleurs, indiquer qu'une telle articulation de la loi et du décret n'est pas inédite en matière de sanction pécuniaire (voir par exemple l'article L. 162-3-1 du code de la sécurité sociale résultant de la loi no 2001-1246 du 21 décembre 2001 et le décret no 2004-477 du 1er juin 2004).
Ainsi, non seulement le législateur a bien épuisé sa compétence, mais il est même allé au-delà, notamment en prévoyant lui-même l'intervention d'une commission dont l'institution ne relevait pas du domaine de la loi puisqu'elle ne rendra que de simples avis.
2. Contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions de l'article 23 ne portent aucune atteinte au principe constitutionnel des droits de la défense, dont au demeurant le respect s'imposerait en tout état de cause dans le silence du législateur. Elles vont même au-delà de ce qu'exige ce principe, puisqu'elles organisent une procédure contradictoire écrite ou orale et prévoient, ainsi qu'il a été dit, l'intervention à titre consultatif d'une commission, préalablement à la décision prise par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie. De telles dispositions ne méconnaissent pas le principe des droits de la défense.
On peut ajouter qu'en tout état de cause la critique adressée à la composition de la commission, qui ne comprendrait pas de représentants des assurés sociaux ou des employeurs dans le cas d'une procédure engagée contre l'un d'eux, manque en fait. La loi dispose, en effet, que la commission est constituée et composée au sein du conseil de l'organisme local d'assurance maladie, ce qui implique nécessairement la présence en son sein de représentants des employeurs et des assurés sociaux qui siègent au conseil de l'organisme local. Dans l'hypothèse où la procédure serait engagée à l'encontre d'un professionnel de santé ou d'un établissement, le législateur a prévu que la commission comprendrait des représentants de la profession considérée ou des organisations d'établissements, de telle sorte qu'en toute hypothèse participent à la délibération de la commission des personnes relevant de la même catégorie que celle à laquelle appartient la personne poursuivie.
V. - Sur l'article 39
A. - L'article 39 de la loi déférée prévoit que chaque caisse nationale d'assurance maladie transmet, avant le 30 juin de chaque année, au ministre chargé de la sécurité sociale et au Parlement des propositions relatives à l'évolution des charges et des produits au titre de l'année suivante et aux mesures nécessaires pour atteindre l'équilibre prévu par le cadrage financier pluriannuel des dépenses d'assurance maladie.
Les auteurs du recours estiment que ces dispositions méconnaîtraient l'article 39 de la Constitution qui réserve le droit d'initiative législative au Gouvernement et aux membres du Parlement.
B. - Une telle critique est dépourvue de fondement.
La circonstance que le législateur ait prévu la transmission chaque année, par les caisses nationales d'assurance maladie, au ministre chargé de la sécurité sociale et au Parlement de propositions sur les mesures qui seraient susceptibles d'être prises pour atteindre l'équilibre financier de l'assurance maladie n'affecte nullement les prérogatives réservées par la Constitution au Gouvernement et aux membres du Parlement en matière d'initiative des lois.
La disposition critiquée n'a nullement pour objet ou pour effet de limiter le pouvoir d'initiative du Gouvernement ou du Parlement : les propositions formulées par les caisses nationales en vertu de l'article 39, dépourvues d'effets juridiques, ne lient pas le Gouvernement, qui demeure notamment seul responsable de la préparation des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
VI. - Sur les articles 41, 53 et 55
A. - L'article 41 de la loi déférée a pour objet de confier à l'Union nationale des organismes d'assurance maladie la fixation des taux de participation des assurés sociaux, y compris les taux minorés ou nuls, dans les conditions et sous les limites déterminées par décret en Conseil d'Etat et sous réserve de l'absence d'opposition du ministre chargé de la santé.
L'article 53 modifie les dispositions du code de la sécurité sociale relatives à l'organisation de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
L'article 55, pour sa part, procède à la création de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, établissement public national à caractère administratif et détermine ses règles d'organisation.
Les parlementaires requérants contestent ces différentes dispositions en se prévalant des articles 21, 34 et 47-1 de la Constitution.
B. - De telles critiques ne pourront être retenues.
On sait que les dispositions de l'article 21 de la Constitution ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l'Etat autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre une loi, dès lors que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu (décision no 89-248 DC du 17 janvier 1989 ; décision no 96-378 DC du 23 juillet 1996). Dans ce cadre, le législateur peut confier un tel pouvoir à une personne morale distincte de l'Etat mais relevant de lui, comme la Banque de France (décision no 93-324 DC du 3 août 1993) ou l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (décision no 2003-485 DC du 4 décembre 2003).
Au cas présent, les dispositions de la loi qui sont critiquées par le recours satisfont à ces exigences constitutionnelles.
1. L'article 41 délègue à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie la fixation des taux de participation des assurés, dans les conditions et sous les limites fixées par décret en Conseil d'Etat.
Une telle décision ne relève pas, par nature, de la compétence législative : l'article 41 de la loi déférée ne méconnaît donc pas l'article 34 de la Constitution. On peut noter, à ce propos, que les cas de limitation ou d'exonération du ticket modérateur demeurent fixés par la loi.
L'article 41 n'est pas davantage contraire aux dispositions de l'article 21 de la Constitution, dès lors que l'attribution de compétence décidée par le législateur ne porte que sur une mesure circonscrite et de portée limitée, devant respecter les conditions et limites fixées par le pouvoir réglementaire du Premier ministre agissant par la voie de décret en Conseil d'Etat.
2. L'article 53 modifie les règles d'organisation de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et détermine les compétences respectives du conseil de la caisse et de son directeur général. S'agissant de ce dernier, il prévoit que « le directeur général prend les décisions nécessaires au respect des objectifs de dépenses fixés par le Parlement ».
Contrairement à ce qui est soutenu, cette dernière disposition - qui vise à préciser les compétences respectives du conseil et du directeur général - n'a ni pour objet ni pour effet de confier au directeur général de la caisse d'autres prérogatives ou compétences que celles qui ont été conférées à cet organisme par la loi ou par le règlement. Dans ces conditions, les griefs tirés des articles 21, 34 et 47-1 de la Constitution apparaissent dépourvus de toute portée.
3. L'article 55 détermine les règles d'organisation de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et prévoit, notamment, que le conseil de cette union délibère sur la participation mentionnée aux articles L. 322-2 et L. 322-3 du code de la sécurité sociale.
La saisine critique ces dispositions en se prévalant des termes de l'article 21 de la Constitution. Il sera fait observer que cette critique apparaît inopérante à l'égard d'une disposition qui régit l'organisation interne d'un établissement public et qui se borne à déterminer l'organe compétent, au sein de l'Union nationale des caisses de sécurité sociale, pour fixer le montant des participations en cause. Le grief serait opérant à l'égard des dispositions qui confient à l'union le pouvoir de fixer ces montants, mais non à l'égard de la disposition qui ne fait que préciser l'organe appelé à prendre ces décisions au sein de l'organisme en cause.
En tout état de cause, il ne fait pas de doute, ainsi qu'il a été dit précédemment, que le législateur pouvait, sans méconnaître l'article 21 de la Constitution, habiliter l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, par l'article 20 de la loi déférée, à fixer le montant de la participation forfaitaire, dans les conditions et sous les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. Une telle attribution de compétence présente, en effet, un caractère circonscrit et une portée limitée, satisfaisant aux exigences constitutionnelles applicables en la matière.
VII. - Sur l'article 57
A. - L'article 57 subordonne les aides fiscales et exonérations de cotisations sociales des contrats d'assurance complémentaire de santé à un cahier des charges fixé par décret en Conseil d'Etat déterminant des cas d'obligation de prise en charge totale ou partielle pour certaines prestations et d'autres cas d'interdiction de prise en charge totale ou partielle. Il prévoit, en particulier, que les contrats ne pourront comporter la prise en charge de la participation forfaitaire de l'article L. 322-2, sauf à ne pouvoir bénéficier des aides fiscales et exonérations de cotisations sociales considérées.
Selon les auteurs du recours, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative et se révéleraient contraires au principe d'égalité.
B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra faire siennes ces différentes critiques.
1. En premier lieu, il faut relever que le législateur a défini précisément le contenu des contrats d'assurance maladie complémentaire susceptibles de bénéficier d'une aide.
Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale résultant de l'article 57 de la loi déférée déterminent, en effet, les prestations que ne pourront couvrir en tout ou partie les contrats d'assurance complémentaire et celles qu'ils devront obligatoirement garantir : le législateur a ainsi prévu l'exclusion totale ou partielle de la prise en charge de la participation forfaitaire des assurés et de la majoration de participation des assurés en cas de non-utilisation du dossier médical et, au contraire, prévu la prise en charge totale ou partielle des prestations liées à la prévention, aux consultations du médecin traitant et aux prescriptions de celui-ci. Si le législateur a décidé de renvoyer la détermination précise des règles applicables à un décret en Conseil d'Etat pris après avis de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire - lesquels présentent, contrairement à ce qui est soutenu, un caractère consultatif -, il a néanmoins très précisément encadré cet exercice.
On peut d'ailleurs observer que la matière fiscale n'exclut pas, par principe, la possibilité de faire intervenir le pouvoir réglementaire. Le Conseil constitutionnel a, par exemple, considéré que le législateur, en matière d'agréments fiscaux, avait suffisamment encadré l'action de l'autorité administrative en fixant les conditions objectives, nécessaires et suffisantes pour la délivrance de l'agrément (décision no 98-405 DC du 29 décembre 1998) ou admis que le pouvoir réglementaire fixe le taux d'une imposition dans les limites fixées par le législateur (par exemple décision no 2000-442 DC du 28 décembre 2000).
2. En second lieu, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité. Les conditions auxquelles la loi subordonne le contenu des contrats bénéficiant d'une aide publique reposent sur des critères objectifs et rationnels, en rapport avec l'objet de la mesure, qui est de contribuer à améliorer l'efficacité des dispositifs de coordination des soins ainsi que la prise en charge des actes de prévention.
VIII. - Sur l'article 72
A. - L'article 72 apporte plusieurs modifications aux règles régissant les différentes impositions qui constituent la contribution sociale généralisée. Il élargit, en particulier, l'assiette de la contribution assise sur les revenus d'activité en réduisant de 5 % à 3 % la déduction forfaitaire pour frais professionnels.
Les saisissants soutiennent que cette dernière modification serait constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité entre les contribuables.
B. - Cette critique n'est pas fondée.
Lorsqu'il a institué la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus d'activité et les revenus de remplacement, le législateur a pris le parti de se référer pour la détermination de l'assiette de cette imposition au montant des revenus pris en considération pour l'établissement des cotisations de sécurité sociale, ce qui l'a conduit à asseoir la contribution sur un revenu net de frais professionnels pour les revenus des non-salariés mais sur le montant brut des salaires s'agissant des revenus des salariés. Pour ces derniers, il est toutefois possible de déduire de l'assiette les sommes représentatives de frais professionnels ; à défaut de déduction aux frais réels, le législateur a décidé d'opérer une réduction forfaitaire représentative de frais professionnels sur l'assiette de la CSG, réduction qu'il avait fixée en 1990 à 5 % du montant brut des salaires.
Le Conseil constitutionnel a jugé que ce dispositif ne créait pas de disparité manifeste et qu'il n'était pas contraire au principe d'égalité (décision no 90-285 DC du 28 décembre 1990).
Au vu des évolutions constatées depuis 1990, le législateur a toutefois estimé, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, qu'il n'était plus justifié, aujourd'hui, de conserver cette déduction forfaitaire au niveau de 5 %. Il a estimé qu'il pouvait la réduire à 3 % sans méconnaître le principe d'égalité.
En effet, on doit reconnaître qu'un abattement systématique constitue un avantage significatif pour nombre de salariés qui n'exposent aucuns frais professionnels. Pour les autres salariés, il faut souligner l'effet de la réforme des frais professionnels résultant de l'arrêté du 20 décembre 2002, entré en vigueur au 1er janvier 2003, qui a profondément rénové les règles qui auparavant dataient de 1975. Cette réforme a considérablement élargi les possibilités de déduction pour frais professionnels sur l'assiette des cotisations sociales des revenus salariés, également applicable au calcul de la CSG. Elle s'est accompagnée de la suppression de certaines distinctions (notamment entre cadres et non-cadres), de la création de nouveaux forfaits de déduction des frais de nourriture et de déplacement ainsi que de nouvelles possibilités de déductions de frais dans des domaines déterminants de l'activité des entreprises (mobilité professionnelle, télétravail, nouvelles technologies de l'information). Compte tenu de ces modifications, les cotisations de sécurité sociale et la CSG des salariés qui exposent réellement des frais professionnels peuvent désormais être calculées sur une assiette nette de frais professionnels dans des conditions réalistes.
Par ailleurs, il est manifeste que la connaissance des revenus des professions non salariées s'est nettement améliorée depuis 1990, en raison, d'une part, de l'augmentation du nombre d'adhésions à des centres de gestion agréée (le taux d'adhésion est passé de 56 % en 1990 à 70 % en 2004) et, d'autre part, de la sensible amélioration de l'efficacité du recouvrement social, qui limite aujourd'hui nettement le risque de fraude. Le Conseil constitutionnel a déjà admis que des évolutions constatées quant à la transparence des revenus pouvaient justifier que le législateur modifie les règles relatives à des abattements (par exemple décision no 96-385 DC du 30 décembre 1996).
Ces deux mouvements ont rapproché les situations réelles des salariés et des non-salariés, sans pour autant, sans doute, les unifier tout à fait. C'est pourquoi le législateur a décidé non de supprimer totalement la réduction forfaitaire représentative de frais professionnels, mais d'en réduire le montant à 3 % du montant brut des salaires.
En portant une telle appréciation, il n'apparaît pas que le législateur aurait créé une disparité manifeste constitutive d'une atteinte au principe d'égalité. Le grief sera, par suite, écarté.
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Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis qu'aucun des griefs articulés par les parlementaires requérants n'est de nature à conduire à la censure des dispositions de la loi relative à l'assurance maladie. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.